Une nouvelle étude commandée par Women and Law in Southern Africa (WLSA) (wlsazim.co.zw), avec le soutien d’Equality Now (apo-opa.co), révèle que, bien que le Zimbabwe ait adopté des mesures législatives et politiques louables pour prévenir le mariage d’enfants, les survivantes continuent de faire face à de nombreux défis. WLSA et Equality Now (EqualityNow.org) appellent le gouvernement du Zimbabwe et les parties prenantes concernées à renforcer la protection et le soutien en consolidant les cadres juridiques, institutionnels et politiques, en particulier pour les personnes déjà touchées par le mariage d’enfants.
L’étude « Une analyse des lois et politiques existantes pour la protection et le soutien des victimes/survivantes de mariages d’enfants au Zimbabwe : étude de cas d’Epworth » (lien) fournit des éclairages précieux tirés d’entretiens menés avec des survivantes de mariages d’enfants et des organisations de la société civile dans la commune d’Epworth, un quartier densément peuplé de Harare qui compte plus de 200 000 habitants. La pauvreté généralisée, l’accès limité aux services publics, le manque d’information, de soutien juridique et de mécanismes de protection efficaces contribuent à des taux de mariage d’enfants persistants dans cette communauté.
Le document d’orientation politique qui accompagne cette étude, intitulé « Réformes juridiques, politiques et institutionnelles impératives pour un meilleur soutien et une meilleure protection des victimes et survivantes de mariages d’enfants » (lien), résume les lacunes identifiées dans les textes de loi et propose des recommandations clés pour des réformes légales.
Les survivantes de mariages d’enfants sont confrontées à de nombreuses difficultés : exposition accrue aux violences basées sur le genre (VBG), pauvreté extrême, accès limité à l’éducation, à l’emploi et aux revenus. À cela s’ajoutent la stigmatisation, le rejet familial, les obstacles à l’enregistrement de naissance de leurs enfants, ainsi que l’inaccessibilité ou le coût élevé des soins maternels, des services de santé sexuelle et reproductive et du soutien psychosocial.
En l’absence de mécanismes de soutien complets et correctement financés, et sans sensibilisation aux protections juridiques et aux services disponibles, le mariage d’enfants continuera d’avoir des conséquences durables, irréversibles sur les survivantes, leurs familles et la société dans son ensemble.
Les engagements juridiques du Zimbabwe contre le mariage d’enfants
Avec environ 34 % des filles mariées avant l’âge de 18 ans (source), le Zimbabwe figure parmi les 20 pays d’Afrique les plus touchés par le phénomène. Pour y remédier, le pays a pris des engagements significatifs à travers des lois nationales, des instruments régionaux et des traités internationaux.
La Loi sur le mariage (chapitre 5:17), promulguée en 2022, fixe à 18 ans l’âge légal minimum du mariage sans exception et interdit le mariage d’enfants. De plus, la Constitution du Zimbabwe (amendement n° 20, 2013) protège contre le mariage forcé en exigeant le consentement libre et éclairé des deux époux.
Le Code pénal (Loi de codification et de réforme du droit pénal) et la Loi sur la protection de l’enfance prévoient des sanctions contre l’exploitation et les abus envers les enfants. La Politique nationale sur le genre (2017) et la Stratégie nationale de développement (2021–2025) adoptent une approche fondée sur les droits pour l’égalité des genres et la protection des enfants.
À l’échelle régionale et internationale, le Zimbabwe a ratifié plusieurs instruments clés, notamment la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, le Protocole de Maputo et la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant. Le pays a également transposé dans son droit interne la loi modèle de la SADC sur l’éradication du mariage d’enfants et la protection des enfants déjà mariés. Ces textes confirment l’engagement juridique et moral du Zimbabwe à protéger les droits des enfants et garantir un consentement libre et éclairé au mariage.
Isheanesu Chirisa, directrice nationale de WLSA, souligne l’urgence : « Le mariage d’enfants est une grave violation des droits humains, largement ignorée au Zimbabwe. Il prive les filles de leur avenir et de leur vie. »
Nécessité de renforcer la mise en œuvre et la coordination
Malgré des engagements juridiques et politiques positifs, WLSA et Equality Now estiment que les efforts du Zimbabwe ne sont pas soutenus par des systèmes d’accompagnement adéquats pour traiter les traumatismes et les inégalités systémiques que vivent les survivantes.
L’étude note que certains cadres juridiques et politiques sont obsolètes, qu’il n’existe pas de système de soutien global, que les peines prononcées contre les auteurs sont incohérentes, et que l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive est insuffisant. Le retard dans les réformes politiques et éducatives aggrave encore les difficultés de réinsertion scolaire des filles concernées.
Par exemple, bien que les lois sur le mariage, l’enfance et le droit pénal criminalisent l’exploitation et les abus, le cadre juridique zimbabwéen ne garantit pas aux survivantes une protection effective, ni un accès réel à la justice et aux services essentiels.
Le Forum national de coordination sur les violences basées sur le genre, qui adopte une approche multipartite, est également entravé par un financement insuffisant, un manque de ressources pour organiser les réunions, et des chevauchements de mandat entre ministères et organisations partenaires.
Depuis l’expiration du Plan d’action national contre le mariage d’enfants en 2021, aucun nouveau plan n’a été adopté, compromettant la mise en œuvre des lois.
Dr Mavis Sibanda, secrétaire permanente au ministère des Affaires féminines, du Développement communautaire et des PME, déclarait lors du lancement de l’étude, le 27 mai 2025 à Harare :
« Le mariage d’enfants illustre les inégalités de pouvoir persistantes au Zimbabwe. Il perpétue un cycle intergénérationnel de pauvreté, limitant l’accès des femmes et des filles à l’éducation et au leadership. Peu parviennent à sortir de ces mariages. »
Recommandations pour une réforme juridique et politique
Face aux conclusions de l’étude, WLSA et Equality Now exhortent le gouvernement du Zimbabwe à :
- Réformer les lois pour les aligner entièrement avec la loi modèle de la SADC sur le mariage d’enfants ;
- Introduire une loi spécifique sur le mariage d’enfants, incluant des dispositions sur la santé, l’aide juridique et le soutien aux survivantes ;
- Renforcer les droits fonciers et successoraux des survivantes ;
- Modifier la loi sur l’enregistrement des naissances pour rendre obligatoire l’inscription du père sur l’acte de naissance d’un enfant né hors mariage ;
- Réviser la loi sur l’interruption de grossesse (15.10) pour permettre l’IVG en cas d’exploitation sexuelle d’une mineure ;
- Renforcer la sensibilisation du public sur les droits légaux et les recours existants ;
- Mettre en place des lignes directrices pour les condamnations afin d’assurer la cohérence des peines ;
- Réinstaurer et financer un Plan national de lutte contre le mariage d’enfants, s’inspirant des exemples du Malawi et de l’Ouganda ;
- Adopter une politique nationale sur le genre reconnaissant le mariage d’enfants comme un enjeu de développement dans la prochaine stratégie nationale (NDS-2) ;
- Former et équiper les acteurs communautaires pour fournir un soutien localisé ;
- Renforcer l’accès à l’aide juridictionnelle et garantir que les politiques éducatives permettent aux filles de retourner à l’école après une grossesse.
WLSA et Equality Now réaffirment leur engagement à soutenir les réformes et les interventions coordonnées pour un monde sans mariage d’enfants, avec des mécanismes de soutien complets à tous les niveaux.
Sally Ncube, représentante régionale d’Equality Now pour l’Afrique australe, conclut :
« Le Zimbabwe a réalisé des avancées notables dans l’application de la loi modèle de la SADC. Il faut aller plus loin pour garantir une protection juridique complète et un véritable soutien aux survivantes, exposées à la violence, à la pauvreté, au traumatisme et à l’exclusion. Renforcer la mise en œuvre, l’application et la surveillance assurera aux survivantes un véritable accès à la justice, à la santé, à l’éducation, à la sécurité et à l’autonomie économique. »