Le 28 mai. Plus qu’une date, une interpellation. La Journée internationale d’action pour la santé des femmes, un rappel saisissant que la santé n’est pas un luxe, mais un droit fondamental, trop souvent bafoué, trop souvent relégué au second plan, surtout quand il s’agit du corps des femmes. Et si ce constat est universel, il résonne avec une acuité particulière sur le continent africain, où les défis sont multiples, les voix parfois inaudibles, et les avancées, bien que réelles, encore trop fragiles.
Pour L’Africaine, média engagé pour l’émancipation et le rayonnement de la femme africaine, cette journée est l’occasion de lever le voile sur des réalités parfois occultées, de souligner les injustices déchirantes, mais aussi de célébrer les initiatives courageuses et les espoirs porteurs d’avenir.
L’Afrique, terre de contrastes et de défis pour la santé des femmes
Le tableau est complexe. D’un côté, une richesse culturelle inégalée, une vitalité démographique, et une résilience à toute épreuve. De l’autre, des systèmes de santé souvent sous-financés, des infrastructures lacunaires, un manque troublant de personnel qualifié (qui s’il y en a, dénonce les conditionsde travail), et des inégalités d’accès aux soins qui creusent des fossés abyssaux entre les populations urbaines et rurales, entre les riches et les pauvres.
La santé maternelle est un exemple frappant. Si des progrès significatifs ont été réalisés dans la réduction de la mortalité maternelle en Afrique, des milliers de femmes continuent de perdre la vie chaque année à cause de complications liées à la grossesse et à l’accouchement, souvent évitables. L’accès insuffisant aux soins prénataux, le manque de personnel qualifié ( et de bonnes de conditions de travail) pour les accouchements assistés, les distances à parcourir pour atteindre une structure de santé, le temps d’attente pour une prise en charge, sont autant de facteurs qui transforment un événement joyeux en drame.
Au-delà de la maternité, d’autres enjeux majeurs persistent. Les violences basées sur le genre, qu’elles soient physiques, sexuelles ou psychologiques, ont des répercussions dévastatrices sur la santé physique et mentale des femmes, entraînant des traumatismes, des infections sexuellement transmissibles, des dépressions, et même des suicides. Pourtant, l’accès à des services de soutien psychologique et médical pour les victimes est souvent limité, et le tabou qui entoure ces violences freine la libération de la parole.
Les maladies non transmissibles, comme le cancer du sein et du col de l’utérus, représentent également une menace croissante. Le dépistage est souvent tardif, les traitements coûteux et peu accessibles, et la sensibilisation insuffisante, ce qui conduit à des diagnostics à des stades avancés, réduisant drastiquement les chances de survie.
Des maux anciens, des obstacles persistants
Plus profondément, des facteurs sociaux et culturels complexes entravent l’autonomie des femmes en matière de santé. Le poids des traditions, parfois ancestrales, peut influencer les décisions concernant le rapport à son corps, la contraception, la planification familiale, ou même le choix de consulter un médecin. La position subalterne des femmes dans certaines sociétés peut limiter leur capacité à prendre des décisions éclairées concernant leur propre corps et leur bien-être.
L’accès à l’éducation, notamment pour les jeunes filles, est également un levier essentiel. Une femme éduquée est une femme mieux informée sur sa santé, plus à même de prendre des décisions éclairées, et plus à même de défendre ses droits. Malheureusement, l’éducation des filles est encore trop souvent sacrifiée, perpétuant ainsi un cercle vicieux de vulnérabilité.
L’espoir, entre initiatives locales et engagement global
Pourtant, l’Afrique n’est pas qu’un continent de défis. C’est aussi une terre d’innovation, de résilience et d’espoir. De nombreuses initiatives locales, portées par des femmes et des hommes engagés, voient le jour, transformant des réalités et inspirant le changement. Des cliniques mobiles aux campagnes de sensibilisation dans les villages reculés, en passant par le développement de la télémédecine, l’ingéniosité africaine est au service de la santé des femmes.
Les organisations de la société civile jouent un rôle vital dans le plaidoyer, la sensibilisation et l’offre de services de santé. Elles sont les voix de celles et ceux qui sont marginalisés, les chevilles ouvrières du changement, et les gardiennes des droits.
De plus, l’engagement des gouvernements africains et de la communauté internationale en faveur de l’amélioration de la santé des femmes est croissant. Des politiques de santé innovantes sont mises en place, des partenariats se nouent avec des institutions phares telles que L’UNFPA, ONU Femmes, UNICEF, OMS et des investissements sont faits pour renforcer les systèmes de santé et garantir l’accès universel aux soins.
Un appel à l’action pour une Afrique en pleine santé
Le 28 mai n’est pas seulement une journée de commémoration ; c’est un appel à l’action. Un appel à :
Renforcer les systèmes de santé africains : En augmentant les investissements, en formant davantage de personnel qualifié, en améliorant les infrastructures et les conditions de travail, et en garantissant l’accès aux médicaments essentiels.
Lutter contre les inégalités : En réduisant les disparités d’accès aux soins entre les zones urbaines et rurales, les riches et les pauvres, et en veillant à ce que personne ne soit laissé pour compte.
Éradiquer les violences basées sur le genre : En renforçant les lois, en offrant un soutien complet aux victimes, et en menant des campagnes de sensibilisation pour changer les mentalités.
Promouvoir l’éducation des filles : Comme levier fondamental pour l’autonomisation des femmes et l’amélioration de leur santé.
Donner la parole aux femmes : En les impliquant dans la prise de décision, en écoutant leurs besoins, et en reconnaissant leur rôle central dans le développement de leurs communautés.
La santé des femmes africaines n’est pas qu’une question de chiffres et de statistiques. C’est une question de dignité, de justice et de progrès. C’est la pierre angulaire d’un développement durable et équitable pour l’ensemble du continent. En cette Journée internationale d’action pour la santé des femmes, engageons-nous, collectivement, à faire en sorte que chaque femme africaine puisse jouir de son droit fondamental à la santé, et ainsi, s’épanouir pleinement et contribuer au rayonnement de l’Afrique. Pour que le 28 mai ne soit plus seulement un rappel, mais le symbole d’une victoire collective.