Malgré la violence, l’abandon et les inégalités, Feregou a pu échapper à un mari violent grâce à la réinsertion socio-professionnelle.
Yéloiga Boni

Le contexte sécuritaire dans les départements de l’Atacora et de l’Alibori au Bénin est un terreau fertile pour l’aggravation des violations des droits des enfants, surtout des filles. La montée des violences basées sur le genre (VBG), des mariages d’enfants (ME) et des séparations familiales, accentuées par la crise dans les pays voisins du Sahel, rend la situation particulièrement préoccupante. Et pourtant, même au cœur de ce chaos, certaines vies se réinventent, comme celle de Feregou, une jeune mère de 23 ans, qui a su transformer son destin.
Feregou vit dans la commune de Kérou, située dans le département de l’Atacora, dans le nord-ouest du Bénin. Après avoir été scolarisée jusqu’en classe de 3ème, sa vie a basculé lorsqu’elle est tombée enceinte. “Suite à ma grossesse, mes parents m’ont renvoyée et m’ont dit de rejoindre celui qui m’avait mise enceinte”, raconte Feregou. Une fois avec le père de son enfant, ce dernier s’est montré indifférent et parfois violent. “Quand je lui demandais de l’argent pour faire la cuisine, il refusait et me battait parfois”, se souvient-elle.
Un jour, après la naissance de son fils, l’une de ses tantes, bouleversée par la situation de Feregou, a tenté de changer les choses. Elle a demandé au père de l’enfant de permettre à sa nièce de suivre une formation, mais ce dernier a refusé. “Refusant de voir sa nièce sombrer dans la misère, la tante a cherché des solutions pour elle. Un jour, un communiqué est passé à la radio pour annoncer qu’une ONG cherchait à former et réinsérer des adolescentes et des jeunes filles vulnérables. “Je suis allée au Guichet Unique de Protection Sociale (GUPS) pour m’inscrire et j’ai été sélectionnée”, se souvient Feregou. Elle a choisi de se former à la coiffure.
Son contrat d’apprentissage est payé à hauteur de 80 000 FCFA, elle a ainsi pu quitter la maison de son mari pour aller vivre chez sa tante, un soutien inestimable dans cette nouvelle aventure. “L’ONG a payé mon contrat, ce qui m’a permis de me concentrer pleinement à ma formation”, raconte-t-elle. Le projet dénommé “Mobilisation communautaire pour la promotion des droits des filles, des femmes, du genre et de la cohésion sociale dans les départements de l’Atacora et de l’Alibori”, soutenu par le gouvernement béninois et le Canada, a pour objectif de réduire les inégalités de genre dans des zones comme l’Atacora et l’Alibori, où les filles sont particulièrement vulnérables aux violences et au manque d’opportunités.

Les premiers jours de sa formation ont été difficiles pour elle. Mais petit à petit, elle a trouvé son rythme grâce au soutien de ses camarades et de sa patronne. “Mes camarades coiffeuses m’ont donné des conseils et m’ont aidée”, dit-elle avec gratitude. Les appuis de sa patronne et de sa tante lui ont également donné la force de persévérer. “C’est grâce à elles que j’ai envie d’aller de l’avant, malgré les difficultés”, dit-elle. Aujourd’hui, elle rêve de finir son apprentissage, d’obtenir son diplôme, et d’aider d’autres filles mères qui, comme elle, ont été confrontées à des situations de vulnérabilité. “Je veux aider d’autres filles comme moi. Et je veux aussi pouvoir aider ma tante financièrement, parce que sans elle, je ne serais pas là où je suis actuellement”, affirme-t-elle.
Dadja Reine, la sous-patronne de Feregou, se souvient de ses premiers moments de collaboration avec elle. “Feregou est une fille très renfermée et timide de nature. Ce qui faisait que la collaboration au début était très difficile”, explique-t-elle. Mais avec le temps, elle a appris à s’ouvrir. “Je lui parle et elle a commencé à comprendre qu’il faut être un peu plus ouverte pour apprendre le métier”, dit Dadja Reine, fière de la progression de sa protégée. “Ça fait un an et demi qu’elle travaille avec moi, et je constate beaucoup d’améliorations. Je l’encourage à obtenir son diplôme et à prendre soin de sa famille et de son enfant”, ajoute-t-elle. Dadja Reine considère l’histoire de Feregou comme un enseignement précieux pour tous : “Son histoire nous a appris qu’il ne faut pas commettre les mêmes erreurs qu’elle.”
L’initiative a non seulement transformé la vie de Feregou, mais elle a également permis à de nombreuses jeunes filles de réintégrer la société, de trouver un emploi stable et d’être financièrement autonomes. Grâce au soutien du Canada et à l’engagement du gouvernement béninois et la mise en œuvre de l’ONG EDUCO, 160 adolescentes et jeunes filles ont bénéficié de cette opportunité. Plus que jamais, elle incarne l’espoir et la résilience. “Si cette ONG ne m’avait pas sélectionnée pour mon apprentissage, je ne sais pas où j’en serais aujourd’hui”, conclut-elle, émue.
