“Le matriarcat”, un concept souvent controversé de nos jours mais néanmoins important et réel dans l’histoire de certaines régions d’Afrique, était au cœur de l’exposition captivante de Lionel O. Attere du 16 au 30 mars 2024 à l’Institut Français de Cotonou.


Dans cette interview avec l’artiste, nous explorerons le processus de création de ses œuvres, les différentes facettes du matriarcat, sa représentation dans l’art et sa pertinence dans la société d’aujourd’hui.
L’immersion commence maintenant!

1-Pouvez-vous nous présenter brièvement votre parcours d’artiste ?

Je suis Lionel Ogoudjobi Attere Artiste Visuel béninois.

2-Qu’est-ce qui vous a inspiré à créer l’exposition “Matriarcat” ?

Ma mère, de façon inconsciente. Elle m’a éduqué, elle est un modèle de force de courage et de leadership pour moi. Après de façon consciente le livre ” situation matrimoniale dans la tradition des peuples noires” dans lequel je découvre que de nombreuses ethnies africaines adoptaient avant l’arrivée des religions étrangères le régime du matriarcat.

3-Comment définiriez-vous le style de vos œuvres récemment exposées ?

C’est un style figuratif mélangé avec un peu d’abstraction. Ce style est inspiré de la cosmologie yoruba.

4-Pouvez-vous nous parler brièvement des différentes œuvres exposées ?

Je parlerai du triptyque ” agbara woman ” inspiré d’un projet de Ishola Akpo ” agbara women ” dans lequel il célébrait les reines qui ont été oubliées dans l’histoire. A travers ce triptyque j’ai voulu célébrer nos mères qui sont des reines et sur qui on n’apporte pas assez de lumière. Elles font beaucoup dans les familles, dans la société et ne sont pas assez valorisées.
Nous avons également le triptyque “vodunsi ” qui veut dire en français ” femme du vodun” l’idée ici est de montrer que même les hommes sont considérés comme femme du vodun dans l’appellationen fon et même dans leur manière de s’habiller ils se nouent la tête, portent des boucles d’oreilles aux deux oreilles et des pagnes comme les femmes. Ce triptyque montre l’impact de la femme dans la religion endogène.
Je ne peux finir sans parler de ” la scène” inspirée de la cène de léonard de vinci. Ce tableau, c’est le partage entre les religions du Bénin, la tolérance entre les frères et sœur beninois de religions différentes. Au même moment, il met la femme en avant. Elle qui représente dans le tableau certaines religions, certains cultes, dont le culte du Abiku, le Guèlèdè, l’Islam, le Christianisme Céleste. A travers ce tableau j’ai voulu montrer que la femme aussi est présente dans les décisions concernant la spiritualité et qu’elle a aussi sa place dans les instances de prise de décision.

5-Combien de temps a-t-il fallu pour réaliser l’ensemble des œuvres ?

Toute une année pour réaliser ce projet.

6-Y a-t-il une ou des femmes parmi vos influences artistiques? Si oui lesquelles ?

Je n’ai pas de femmes parmi mes influences artistiques mais il y a beaucoup de femmes que j’admire dans le milieu, dont Frida Kahlo, Marion Rivoilier en France, Krsitine Tsala du Cameroun et Moufouli Bello au Bénin .

7-Que représente le matriarcat pour vous ?

La reconnaissance de la force de chaque être et la mise en avant de cette force.

8-Pensez-vous que le matriarcat est une solution aux problèmes de la société patriacale actuelle ?

Je pense que oui. Le matriarcat n’est pas un régime de domination d’un sexe par un autre mais plus une collaboration entre les deux dans la reconnaissance de la force de chacun.

9-Selon vous, quelle est la place des femmes dans la société africaine aujourd’hui ?

Pour moi les femmes ne sont pas encore reconnues à leur juste valeur. Il ne s’agit pas ici de savoir à qui incombe la faute mais de plutôt se demander à quel moment les choses ont changé. La femme a une force que nos ancêtre maîtrisaient, pourquoi aujourd’hui cette force ne lui est plus reconnue ouvertement?

10-De quelle manière pensez-vous que l’art pourrait faire évoluer les mentalités sur la place de la femme africaine dans la société ?

L’art permet de voir les choses autrement. Il fait réfléchir, sensibilise…

11-Quels messages souhaitiez-vous transmettre à travers vos œuvres ?

Rappeler ce qui est oublié, apprendre en transmettant.

12-Y a-t-il des sujets tabous que vous avez abordé dans votre exposition ?

Pas du tout

13- Y a-t-il des œuvres parmi toutes celles exposées qui vous tiennent particulièrement à cœur ?

Oui agbara woman 2 et la scène, j’y ai mis toute mon énergie!

14-Comment souhaitiez-vous que le public interprète vos œuvres et comment a-t-il réagi?

Le public a bien réagi à cette exposition. Il y a eu beaucoup de visiteurs, le sujet a suscité beaucoup d’intérêt et les œuvres en elles-mêmes. Par rapport à l’interprétation des oeuvres, l’essentiel c’est de cerner le message derrière chaque création.

15-Avez-vous rencontré des difficultés particulières lors de la création de cette exposition ?

C’était un projet personnel donc il n’y avait pas de subvention derrière et ce n’était pas non plus une résidence. Il était compliqué de ce fait de répondre à des commandes de clients (justement parce qu’il faut bien vivre) , d’être sur des murs et continuer le processus de création au même moment.

16-Si vous pouviez exposer “Matriarcat” dans un autre lieu, quel serait-il ?

Si je devais exposer Matriarcat dans un autre lieu, ce serait toujours dans un pays africain parce que l’essentiel pour moi c’est que le message passe en Afrique pour déconstruire les idées reçues par les jeunes par rapport au patriarcat.

17-Quels sont vos projets artistiques après cette exposition ?

Je dois faire une exposition en Mai prochain au National Museum of Lagos après deux semaines d’immersion dans les archives dudit musée et une résidence sur la documentation faite à Lagos.

18-Avez-vous des conseils à donner aux jeunes artistes qui souhaitent se lancer ?

Chacun apprend de ses expériences donc mon vécu ne sera pas forcément pareil au vécu des autres. L’essentiel c’est de travailler et rester humble.

Propos recueillis par Pélagie Blewussi

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