La question des Violences Basées sur le Genre (VBG) soulève des débats passionnés, souvent polarisés. Si la société s’interroge légitimement sur les responsabilités des auteurs, il est également pertinent de réfléchir au rôle que les femmes peuvent ou doivent jouer dans cette lutte. Non pas comme une quête de culpabilité déplacée, mais comme une exploration des leviers possibles d’action et de transformation.
L’émancipation comme posture proactive
Les femmes, victimes principales des VBG, ne sont pas dénuées d’agencéité. Le contexte impose une redéfinition des rôles : plutôt que de subir les effets de structures patriarcales, elles sont appelées à les interroger, les déjouer, et parfois à les réinventer. Dans cette perspective, une question fondamentale émerge : quelles sont les responsabilités qui incombent aux femmes dans la lutte contre les violences qu’elles subissent ?
Responsabilité ou pouvoir d’action ?
Il faut d’abord distinguer responsabilité et blâme. La responsabilité n’implique pas de porter le fardeau des actes commis par d’autres, mais d’identifier les points d’influence dans une dynamique collective. Que cela soit pertinent ou non, dans des contextes familiaux ou éducatifs de nos sociétés africaines, par exemple, les femmes jouent souvent un rôle central dans la transmission des normes. Élever des enfants en leur inculquant le respect mutuel, le sens de l’équité et la nécessité d’égalité peut constituer un acte radical de prévention. Mais cela suffit-il à briser des cycles ancrés depuis des siècles ?
La parole comme arme libératrice
Au-delà du cercle privé, une des principales responsabilités des femmes est de faire entendre leur voix. La dénonciation des violences, bien que risquée, est cruciale pour briser le silence et révéler des réalités souvent invisibles. Toutefois, cela demande un environnement sécurisant et solidaire, que les structures institutionnelles et sociales doivent garantir. Ainsi, la responsabilité de s’exprimer ne peut être assumée sans une responsabilité concomitante des systèmes de protection.
Une lutte partagée, un leadership assumé
Fondamentalement, l’on pourrait arguer que la responsabilité première de la femme est envers elle-même : protéger son intégrité, cultiver son autonomie, et affirmer sa place dans l’espace public. Cependant, cette quête personnelle s’inscrit dans une responsabilité collective. Par leur mobilisation, leur organisation et leur solidarité, les femmes peuvent jouer un rôle de leadership dans des mouvements de transformation sociale. Elles le font d’ailleurs déjà et densifient de plus en plus la sororité comme moyen politique de s’exprimer, de se libérer, de se définir et de se projeter dans le monde. Il est donc impératif de structurer des approches inclusives, où les femmes peuvent continuer à jouer un rôle de leadership sans être les seules porteuses du combat.
Et les hommes, alors ?
Toutefois, un écueil persiste : penser cette responsabilité comme un fardeau exclusivement féminin. Les hommes, les institutions, et la société dans son ensemble sont tout aussi responsables de déconstruire les dynamiques de domination. Les femmes ne peuvent être seules au front, car cela reviendrait à reproduire les déséquilibres mêmes qu’elles combattent.
Les hommes ont un rôle crucial à jouer dans la lutte contre les Violences Basées sur le Genre (VBG). Leur implication active permet de briser le silence, d’affirmer que ceux qui perpétuent ces actes sont une minorité, et de créer des modèles de masculinité positive pour les générations présentes et futures.
En s’engageant, les hommes offrent un contrepoids aux discours globalisants qui, bien que compréhensibles, risquent de polariser le débat. Leur participation favorise une approche plus nuancée et inclusive, où la lutte contre les violences devient un effort collectif. De plus, cet engagement invite les hommes à dépasser leurs propres perspectives pour comprendre et soutenir l’expérience sociale des femmes, traduisant ainsi leurs sentiments d’amour ou d’admiration en actions concrètes.
En somme, l’implication des hommes est essentielle pour déconstruire les stéréotypes, encourager l’équité et bâtir un futur où respect et dignité sont partagés par tous.
Mais cet idéal ne peut s’accomplir que dans un contexte où l’environnement social leur permet de s’épanouir. Des structures de soutien, des politiques publiques inclusives et une volonté collective de déconstruire les normes oppressives doivent accompagner cette responsabilisation.
Un défi d’humanité
En définitive, les responsabilités des femmes face aux VBG ne sont pas tant des obligations que des opportunités : celles de redessiner les contours d’une société plus juste, où chacun, femme ou homme, prend part à l’édification d’un monde libéré des violences. Cette réflexion dépasse les genres pour devenir un défi d’humanité : comment réconcilier responsabilité individuelle et transformation collective ?
Car dans la lutte en faveur de la sécurité, du bien-être et des genres, ce n’est pas seulement la femme qui est appelée à agir, mais bien la conscience collective, la conscience universelle qui doit s’éveiller.
© Djamile Mama Gao – Slameur – Écrivain – Performer – Journaliste – Entrepreneur.