Les Racines de la Violence Verbale
La violence verbale représente un phénomène social complexe et profondément ancré dans les structures patriarcales africaines, dépassant la simple agression langagière pour devenir un mécanisme subtil de contrôle et de domination. Contrairement aux blessures physiques qui cicatrisent, les blessures verbales s’infiltrent dans l’intimité psychologique, érodant progressivement l’estime de soi et la dignité des femmes.
La Violence Domestique : Un Silence Imposé
Dans l’espace domestique, cette violence prend racine dans des traditions séculaires de subordination. Les expressions familiales comme “Tu n’es bonne à rien” ou “Une vraie femme devrait…” ne sont pas de simples critiques, mais des instruments de conditionnement social. Elles construisent un système où la valeur d’une femme est constamment négociée, où son existence même semble conditionnelle à sa capacité à répondre à des normes rigides et souvent contradictoires.
Le Monde Professionnel : Un Terrain Miné
L’environnement professionnel n’est pas en reste. Ici, la violence verbale revêt des formes plus sophistiquées, souvent dissimulées derrière un vernis de professionnalisme. Les blagues sexistes, les commentaires déplacés sur l’apparence physique, l’infantilisation systématique des femmes deviennent des outils de marginalisation. Une femme compétente se voit régulièrement réduite à des stéréotypes de genre (“les femmes ne savent pas diriger”), ses réussites constamment minimisées ou attribuées à autre chose qu’à son talent et son travail (” elle peut dire merci à ses atouts physiques pour cette promotion”).
L’Espace Public : Harcèlement Permanent
L’espace public représente un théâtre permanent de harcèlement verbal. Les rues, les transports, les marchés deviennent des espaces où les femmes sont constamment sommées de justifier leur présence, leur tenue, leur comportement. Les sifflements, les commentaires sur le corps (“tu te crois plus belle que mon personnel domestique? On t’appelle tu te la joues”), les injonctions à sourire (“une femme ça sourit”) ou à se taire (“une femme se tait quand un homme parle, c’est lui le chef” ne sont pas de simples désagréments, mais des manifestations d’un contrôle social profond.
Les Mécanismes Psychologiques de la Destruction
Les mécanismes psychologiques de cette violence sont particulièrement pernicieux. Chaque mot devient un coup invisible qui fracture l’intégrité psychique. L’accumulation de ces agressions linguistiques construit progressivement un sentiment d’infériorité, un état de stress permanent où la femme intériorise peu à peu les discours dominants et accepte que cela devienne sa réalité au final.
Solutions Concrètes : Une Approche Holistique et Contextuelle
Pour lutter efficacement contre la violence verbale dans le contexte africain, une stratégie multidimensionnelle est nécessaire. Les solutions doivent être ancrées dans nos réalités culturelles, sociales et économiques :
1. Éducation Communautaire
– Programmes de sensibilisation impliquant les chefs traditionnels, religieux et communautaires
– Intégration de modules sur l’égalité de genre dans les cursus scolaires dès le cours primaire
– Formation des leaders et médiatrices communautaires sur les impacts psychologiques de la violence verbale
2. Dispositifs Juridiques et Institutionnels
– Développement de cadres légaux spécifiques reconnaissant la violence verbale même si elle n’est pas ” visible “
– Création de mécanismes de plainte adaptés aux réalités locales et surtout exemptés de jugement et culpabilisation des victimes qui s’arment de courage pour agir
– Formation des forces de l’ordre et du personnel judiciaire sur les bons comportements à adopter
3. Soutien Psychologique et Économique
– Mise en place de centres d’écoute dans les langues locales pour une inclusion efficace
– Programmes de renforcement économique et de financement des femmes
– Groupes de soutien communautaires entre femmes, avec des “He For She” ou des médiatrices qui ont les bonnes ressources mais aussi la proximité qui rassure
– Lignes téléphoniques gratuites et confidentielles
4. Médias et Communication
– Campagnes de communication utilisant les médias traditionnels et sociaux comme dans le cas de L’Africaine
– Représentation positive des femmes dans les médias
– Formations des journalistes sur le genre et le langage afin que ceux-là qui façonnent l’opinion publique dans la société puisse semer les bonnes graines aux bons endroits
5. Approche Transgénérationnelle
– Impliquer les hommes et les garçons dans la lutte
– Programmes de mentorat pour les jeunes filles
– Valorisation des modèles féminins positifs
La Voix comme Outil de Libération
Face à cette réalité, la résistance passe par la conscientisation et la déconstruction. Nommer la violence verbale, la reconnaître dans toute sa complexité, devient un acte politique. Il s’agit de comprendre que ces mots ne sont pas anodins, qu’ils font partie d’un système global de domination et qu’il faut les bannir de notre vocabulaire quotidien.
Un Message d’Espoir et de Transformation
Un message d’espoir traverse ces réflexions : notre voix est notre première ligne de défense. Non pas une voix de victimisation, mais une voix de puissance, de résilience, de transformation sociale. Chaque mot que nous prononçons pour nous défendre, chaque silence que nous brisons, est une pierre à l’édifice de notre libération.
Alors cette phrase, cette blague, ce commentaire deplacé, c’est peut-être banal, mais c’est de la violence de genre !
Pas d’excuse, plus d’excuse, il urge de se mettre à la place des femmes et filles, de voir le monde à travers leurs yeux et d’agir !