Dans l’intimité des foyers, loin des regards, se joue un drame silencieux qui broie des vies, des rêves et des destins. La violence domestique n’est pas une fatalité, mais une réalité cruelle que subissent des millions de femmes africaines chaque jour.
Un phénomène systémique
Derrière les portes closes, les violences se tissent comme un tissu social complexe. Elles ne sont pas le fruit du hasard, mais le résultat d’un système patriarcal profondément ancré qui considère la femme comme un être inférieur, un objet de possession.
Des réalités statistiques alarmantes
Les chiffres révèlent une situation critique :
Une femme sur trois victime de violences : Ce n’est pas un simple pourcentage, mais la traduction concrète d’un système oppressif. Chaque femme représente une histoire, un parcours de souffrance et de résilience. Ces violences transcendent les frontières ethniques, sociales et économiques, touchant aussi bien les milieux ruraux qu’urbains.
Moins de 10% des victimes portent plainte : Ce silence résulte d’un faisceau de contraintes complexes. La pression sociale, la dépendance économique, la peur des représailles, la stigmatisation communautaire et l’absence de mécanismes de protection juridique efficaces dissuadent les femmes de dénoncer leurs agresseurs.
40% des femmes pensent qu’un mari a le droit de battre son épouse : Cette perception révèle l’intériorisation profonde des normes patriarcales. L’acceptation de la violence comme mode de régulation domestique est le fruit d’une construction sociale transgénérationnelle qui normalise la domination masculine.
Les visages multiples de la violence
La violence domestique ne se résume pas aux coups. Elle prend des formes insidieuses et systémiques :
Violences économiques : Au-delà du simple contrôle financier, il s’agit d’une stratégie d’asservissement total. L’homme contrôle non seulement l’argent, mais aussi l’accès à l’éducation, aux soins, aux opportunités professionnelles. Une femme sans ressources devient une femme sans choix, prisonnière d’un système qui nie son autonomie.
Violences psychologiques : Ces blessures invisibles sont souvent plus dévastatrices que les marques physiques. Humiliations permanentes, dénigrement systématique, manipulation émotionnelle, isolation sociale : l’objectif est de détruire l’estime de soi, de faire intérioriser à la femme un sentiment de infériorité et d’impuissance.
Violences culturelles : Les traditions sont détournées pour légitimer la domination. Certaines pratiques comme le lévirat, les mariages précoces, l’exclusion successorale sont présentées comme des “traditions” alors qu’elles violent fondamentalement les droits humains.
Témoignage le Silence de Nadia : Une Journée Ordinaire de Violence
Je m’appelle Nadia (nom d’emprunt). J’ai 34 ans, trois enfants, et une vie qui ressemble à un piège quotidien.
Dès l’aube, je me réveille avec une boule d’angoisse au ventre. Un seul geste peut déclencher sa colère. Ce matin, le thé n’est pas assez chaud. Je sens son regard peser sur moi, je retiens mon souffle.
“Tu es bête ou quoi ? Tu ne sais rien faire ?”
Ces mots claquent comme un fouet. Les enfants baissent les yeux. Ils ont appris à devenir invisibles dans cette ambiance.
Toute la journée, je cours. Préparer les repas, laver, nettoyer, m’occuper des enfants… Mon travail n’a pas de valeur. Pour lui, je ne “travaille” pas puisque je ne rapporte pas d’argent.
Quand je lui parle de mon projet d’atelier de couture, il rit. “Qui voudrait de tes tissus mal cousus ?”
Et chaque son de porte me fait sursauter. Son retour est un moment est un moment redouté car il me signale que ma misère va reprendre de plus belle.
Ce jour-là, un client l’a contrarié au travail. Je le sens tendu, l’orage va éclater et je serai une fois de plus celle qui va payer les pots cassés. Les enfants se font petits dans leur chambre, ils savent comment nous vivons à la maison.
Un verre qui tombe. Un plat qui n’est pas à son goût. N’importe quel prétexte sera bon pour me faire me sentir mal. Les coups pleuvent. Je ne crie plus. Pleurer l’énerve davantage. Je mords l’intérieur de ma joue pour ne pas hurler.
Plus tard, il sera désolé. “Pourquoi tu me forces à faire ça ?” Me faire culpabiliser est son autre arme. Les bleus sur mon corps ? “Personne ne doit savoir”.
Mes parents ? Ils m’ont conseillé de “garder ma famille” tant qu’il prend soin de nos enfants et je ne meurs pas de faim, c’est un homme “responsable”.
Mon conseiller religieux ? Il m’a rappelé mon “devoir d’épouse qui passe par la soumissionet l’acception de tout au nom de l’amour”.
Mes amies ? Elles ont peur que je les déshonore en parlant ou qu’on les tague de mauvaises amies.
Je suis seule. Mais pas vaincue!
Un jour, je partirai. Je réunis mes forces, j’économise chaque billet, chaque pièce pour m’offrir mon passeport pour la liberté.
Pour mes enfants qui ont besoin de moi, pour moi.
“La violence n’est pas mon destin”.
Ce témoignage illustre plusieurs mécanismes cruciaux :
Contrôle psychologique permanent
Invisibilisation du travail domestique
Isolement social
Cycles de violence et de “repentance”
Normalisation des violences
Manque de soutien institutionnel et familial
Les associations mobilisées développent des stratégies multidimensionnelles :
Formation des communautés : Il ne s’agit pas seulement de sensibiliser, mais de transformer les mentalités. Des programmes impliquant hommes, femmes, leaders communautaires, chefs religieux sont mis en place pour déconstruire les stéréotypes de genre et promouvoir une culture du respect mutuel.
Sensibilisation : Des campagnes innovantes utilisent désormais les médias sociaux, le théâtre forum, les podcasts pour toucher un large public. L’objectif est de briser les tabous, de donner la parole aux survivantes et de faire émerger une conscience collective.
Accompagnement juridique et psychologique : Des centres offrent un soutien holistique : assistance juridique gratuite, hébergement d’urgence, suivi psychologique, formations professionnelles pour reconstruire l’autonomie des femmes.
Autonomisation économique : Des microcrédits, des formations professionnelles, des coopératives sont développés pour permettre aux femmes de gagner leur indépendance financière, clé de leur émancipation.
Un message d’espoir
La violence n’est pas une fatalité. Chaque jour, des femmes se lèvent, résistent, reconstruisent. L’éducation, la solidarité et le respect mutuel sont nos armes les plus puissantes.
Ensemble, nous pouvons briser ce cercle infernal.