La Journée mondiale de la santé mentale 2024 met en lumière un enjeu important : la santé mentale au travail. Pour les femmes africaines, cet enjeu revêt une dimension particulière, compte tenu des défis spécifiques auxquels elles sont confrontées. Il est temps de reconnaître que la santé mentale n’est pas un luxe, mais un droit fondamental qui doit être préservé dans tous les environnements de travail.
Le stress au travail est un facteur majeur affectant la santé mentale des employés. Il peut se manifester par une variété de symptômes, tels que l’anxiété, la dépression, les troubles du sommeil et les problèmes de concentration.
La santé mentale, c’est quoi au juste ? Elle se définit comme un état de bien-être complet, tant sur le plan physique que mental et social. Cela implique la capacité à faire face aux difficultés de la vie, à ressentir des émotions positives, à établir des relations significatives et à réaliser son potentiel.
La santé mentale au travail, quant à elle, est une extension de ce concept dans le milieu professionnel. Il s’agit d’un état où l’on se sent engagé, valorisé et capable de concilier vie professionnelle et personnelle. Pour préserver leur santé mentale, les employés ont besoin d’un environnement de travail sain et sécuritaire, où ils se sentent soutenus et reconnus.
État des lieux
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), environ 66 millions de femmes souffrent de dépression et de troubles anxieux en Afrique et 85 % d’entre elles n’ont pas accès à un traitement. En effet, seul un pays africain sur cinq a une politique de santé mentale et la plupart consacre moins de 1 % de leur budget de santé au traitement des troubles mentaux. Ainsi, dans des sociétés où la santé mentale est taboue, le personnel soignant insuffisant et les ressources limitées, l’importance de trouver des solutions adaptées devient une priorité!
Malgré l’importance croissante de la question, la santé mentale des travailleurs et particulièrement des femmes employées en Afrique reste souvent négligée. Les entreprises accordent rarement la priorité à ce sujet, et les ressources dédiées sont limitées. Les stigmatisations liées aux troubles mentaux, particulièrement en Afrique, dissuadent de nombreuses femmes de chercher de l’aide. Les conditions de travail, souvent précaires, et les inégalités de genre exacerbent les problèmes de santé mentale.
Les causes de la dégradation de la santé mentale au travail chez les femmes africaines
De nombreux facteurs peuvent contribuer à la détérioration de la santé mentale des femmes sur le lieu de travail comme l’annonçait plus haut cet article. En plus des points sus-cités, il faut noter :
La double charge : Les femmes africaines assument souvent une double charge, professionnelle et domestique, ce qui peut entraîner un épuisement professionnel et émotionnel.
Les discriminations : Les inégalités de genre, les harcèlements sexuels et les violences basées sur le genre sont des réalités qui peuvent avoir des conséquences psychologiques dévastatrices.
Le manque de soutien : Le manque de soutien de la part des supérieurs hiérarchiques, des collègues ou de structures d’accompagnement peut isoler les femmes et aggraver leur détresse.
Les pressions sociales : Les normes sociales et les attentes culturelles peuvent générer un stress important chez les femmes, notamment en matière de réussite professionnelle et familiale et aussi les museler dans ce mal profond.
Un mauvais climat de travail : Si l’entreprise n’a pas instauré un climat sain de travail pour encadrer les relations entre collègues et même avec les supérieurs , les mésententes fréquentes ou sur la durée entre ces différentes personnes peuvent vite envénimer l’atmosphère.
Comme le témoigne la mésaventure d’Amina A. vivant au Nigeria :
“J’ai travaillé pendant des années dans une agence créative à Lagos. Au début, j’étais passionnée par mon travail. Mais tout a changé lorsque mon supérieur hiérarchique a commencé à me harceler sexuellement. Je me sentais impuissante, seule et j’ai fini par faire un burnout. Les relations avec mes collègues se sont dégradées et je me suis isolée de peur d’être mal jugée si j’en parlais autour de moi directement, vu nos réalités culturelles. J’ai mis du temps à m’en remettre en choisissant de quitter l’entreprise. “
Les conséquences de la dégradation de la santé mentale au travail
Une santé mentale dégradée peut avoir des conséquences multiples et graves :
Une baisse de productivité : Le stress, l’anxiété et la dépression peuvent altérer les capacités cognitives et réduire la performance au travail. Aussi touchent-ils à la motivation de la personne touchée.
Un absentéisme accru : Les problèmes de santé mentale peuvent entraîner des arrêts de travail fréquents et de longue durée.
Des relations dégradées : Les tensions et les conflits peuvent se multiplier, affectant ainsi le climat social au sein de l’entreprise voire faire partir certaines employées qui priorisent leur bien-être mental.
Des problèmes de santé physique : La santé mentale et la santé physique sont étroitement liées. Les troubles mentaux peuvent favoriser l’apparition de maladies chroniques.
Comment rendre les lieux de travail plus bienveillants pour les femmes en Afrique ?
Des espaces et des temps pour soi
Pour favoriser la santé mentale des employées, les entreprises peuvent mettre en place des espaces dédiés à la détente et au bien-être. Des salles de repos aménagées, des espaces de méditation ou encore des jardins peuvent offrir un moment de pause salvateur. Des initiatives comme des cours de yoga, des jeux, ou des ateliers de respiration peuvent également être proposées. Encourager les pauses régulières et courtes tout au long de la journée permet de réduire le stress et d’améliorer la concentration également.
Il est nécessaire de mettre en œuvre des actions concrètes :
Sensibiliser les acteurs : Former les managers, les employées et les ressources humaines aux enjeux de la santé mentale est essentiel.
Mettre en place des politiques favorables : Encourager le télétravail, les horaires flexibles et les congés sabbatiques peuvent aider à concilier vie professionnelle et vie personnelle.
Favoriser le soutien psychologique : Mettre à disposition des psychologues ou des coachs peut permettre aux employées de bénéficier d’un accompagnement personnalisé.
Lutter contre les discriminations : Mettre en place des procédures claires pour signaler et sanctionner les harcèlements et les violences.
Créer un climat de confiance : Encourager la communication ouverte et la collaboration entre les collègues. Des activités collectives avec les collègues telles que des excursions, des clubs thématiques…etc sont aussi à considérer.
Ingride F. de la Côte d’Ivoire nous raconte ici son expérience avec une entreprise qui met l’humain au centre :
“Je travaille dans une startup à San Pedro qui a une culture d’entreprise vraiment positive. L’entreprise organise régulièrement des activités pour favoriser le bien-être de ses employés : des ateliers de gestion du stress, des sorties en équipe, des séancesde formationà l’écoute active… Je me sens soutenue et valorisée, et cela a un impact très positif sur ma santé mentale ainsi que mon apport à la compagnie.”
Pourquoi est-il urgent et important de donner la priorité à la santé mentale des femmes au travail ?
La santé mentale des femmes est un enjeu de société. En investissant dans la santé mentale de leurs employées, les entreprises peuvent :
Améliorer leur image de marque : Les entreprises qui s’engagent en faveur de la santé mentale sont plus attractives pour les talents.
Réduire les coûts : Un bon environnement de travail permet de réduire l’absentéisme et d’augmenter la productivité.
Contribuer au développement économique : Des femmes en bonne santé mentale sont plus actives et participent pleinement au développement de leur pays.
Outre cela, donner de la valeur aux vies humaines réunies autour d’un but crée un cycle vertueux qui va se péréniser en impactant des familles, des communautés et en créant des personnes heureuses et bienveillantes dans la société.
Les bonnes pratiques pour les entreprises
Certaines entreprises africaines commencent à mettre en place des initiatives innovantes pour promouvoir la santé mentale de leurs employés. Par exemple, des entreprises technologiques au Kenya proposent des séances de méditation en ligne et des programmes de mentorat. En Éthiopie, une structure a mis en place un programme de sensibilisation à la santé mentale et offre des consultations gratuites à ses employés. En Côte d’Ivoire, le Salon du Capital Humain crée les conditions pour encourager les entreprises dans cette vision. Ces exemples montrent qu’il est possible de créer des environnements de travail plus sains et plus respectueux du bien-être des employés, même dans des contextes difficiles car il ne s’agit pas toujours d’argent.
Recommandations pour les gouvernements africains
Pour améliorer la santé mentale des femmes employées sur le continent, les gouvernements doivent jouer un rôle central :
Législation : Mettre en place des lois et des réglementations qui protègent la santé mentale des travailleurs, en particulier les femmes. Le Nigéria a commencé par manifester son engagement dans ce sens depuis 2023 avec une loi sortie à cet effet.
Sensibilisation : Lancer des campagnes de sensibilisation à grande échelle pour déstigmatiser les problèmes de santé mentale et encourager les personnes à demander de l’aide afin qu’elles déconstruisent les préjugés établis. Non ce ne sont pas des ” fous ” qui vont voir un psychologue! Et non, ce n’est pas une affaire de “Blanc” la santé mentale!
Formation : Former les professionnels de la santé mentale et les employeurs aux enjeux de la santé mentale au travail.
Financement : Allouer des budgets suffisants pour le développement de services de santé mentale accessibles à tous.
Partenariats : Encourager les partenariats entre le secteur public, le secteur privé et la société civile pour développer des solutions innovantes afin de créer des espaces de travail sains.
La santé mentale des femmes au travail est un enjeu complexe qui nécessite une approche globale et respectueuse des diversités sur le terrain. En agissant ensemble, les entreprises, les gouvernements et la société civile peuvent créer des environnements de travail plus sains et plus justes pour toutes et tous et tôt car il est temps de mettre la priorité sur la santé mentale au travail !
Pélagie Blewussi