Le 25 novembre, Journée internationale dédiée à la lutte contre les violences faites aux femmes, marque le début des 16 jours d’activisme contre la violence basée sur le genre (VBG), une campagne mondiale qui se poursuit jusqu’au 10 décembre, Journée internationale des droits humains.
Qualifiées par l’ONU de « violation des droits humains la plus répandue mais la moins visible au monde », les violences basées sur le genre affectent massivement les Africaines. En 2018, une enquête de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) révélait que 65 % des femmes en Afrique centrale et 40 % en Afrique de l’Ouest ont subi des violences. Des chiffres en deçà de la réalité, précisent les associations de défense des droits des femmes. En effet, la peur de la stigmatisation décourage trop souvent les victimes de dénoncer leur agresseur. Et ces chiffres ont bien été aggravés par la pandémie du corona virus à partir de 2020.
Les études montrent que 16 à 58 % des femmes dans le monde subissent des violences basées sur le genre facilitée par la technologie, les jeunes femmes étant particulièrement touchées, notamment la génération Z et les Millennials.
Dans les contextes de conflit, de guerre ou de crise humanitaire, 70 % des femmes sont victimes de violences basées sur le genre.
En 2023, une femme a été intentionnellement tuée par son partenaire ou un membre de sa famille, toutes les 10 minutes dans le monde. La crise de la violence basée sur le genre est urgente.
En 2024, alors que les violences persistent et que les féminicides augmentent de manière alarmante dans plusieurs parties du monde et en Afrique , il devient urgent de rappeler que ce que certains considèrent comme “banal” constitue souvent les racines profondes de violences plus graves.
Des origines teintées de sang
La date du 25 novembre n’a pas été choisie au hasard. Elle commémore l’assassinat brutal des sœurs Mirabal en 1960 en République dominicaine, devenues symboles de la résistance féminine face à la dictature. La couleur orange, adoptée par la campagne, symbolise un avenir plus radieux, libéré des violences de genre. Elle rappelle l’aube d’un nouveau jour, porteur d’espoir pour les millions de femmes qui souffrent encore aujourd’hui.
Une mobilisation internationale qui ne faiblit pas
Les Nations Unies, à travers ONU Femmes, coordonnent cette campagne mondiale en collaboration avec de nombreuses organisations :
- Le FNUAP (Fonds des Nations Unies pour la population) qui œuvre pour la santé reproductive et les droits des femmes
- Des ONG internationales comme Equality Now et Women Deliver
- Le Secrétaire général des Nations Unies Antonio Guterres avec sa campagne UNITE
- Des associations locales qui travaillent sur le terrain, au plus près des victimes
En Afrique, des organisations comme WILDAF (Women in Law and Development in Africa) et l’Association des Femmes Juristes mènent un combat quotidien pour l’accès à la justice et la protection des victimes.
En adaptant les solutions aux réalités des régions, là où les campagnes publiques de sensibilisation échouent à convaincre des époux ou des hommes de bannir la violence contre les femmes, chefs religieux, autorités traditionnelles et femmes influentes apparaissent comme des intermédiaires et médiatrices plus légitimes que les ONG, celles-ci étant souvent perçues comme éloignées des réalités des populations plus conservatrices.
Les obstacles persistants : entre tradition et impunité
Malgré ces efforts, les chiffres restent alarmants. En Afrique, le taux de féminicides continue d’augmenter, alimenté par plusieurs facteurs :
- La persistance de pratiques traditionnelles néfastes comme Les MGF, mariages précoces et forcés…
- L’impunité des agresseurs dans certains pays(comme par exemple si c’est un membre de la famille, on veut “laver le linge sale en famille plutôt qu’au tribunal “)
- La dépendance économique des femmes
- Le silence social qui entoure ces violences
- La banalisation des “petites” violences quotidiennes…etc Des conséquences dévastatrices à tous les niveaux
Les VBG ont des répercussions profondes :
Sur les victimes :
- Traumatismes psychologiques durables
- Problèmes de santé physique chroniques
- Isolement social
- Difficultés économiques
Sur la société :
- Coûts économiques massifs pour les systèmes de santé
- Impact sur la productivité
- Transmission intergénérationnelle des traumatismes
- Fragilisation du tissu social et familial…
- Un message en filigrane de soutien aux agresseurs plus qu’aux victimes par des comportements comme le silence, remettre en question la moralité de la victime, la faire culpabiliser…
Agir à tous les niveaux : un impératif collectif
Pour les citoyens :
- Briser le silence et dénoncer les violences dont ils sont témoins
- Éduquer les enfants garçons comme filles dans le respect de l’égalité
- Soutenir les associations locales
- Déconstruire les stéréotypes de genre au quotidien
- Se rendre disponible pour soutenir une victime de violence basée sur le genre et surtout sans jugement
Pour les gouvernements :
- Renforcer les cadres juridiques
- Rendre accessibles les lois qui protègent les femmes et filles
- Allouer des ressources suffisantes aux programmes de prévention et aux intermédiaires plus acceptées dans certaines parties du continent
- Former les forces de l’ordre et le personnel judiciaire
- Créer plus de centres d’accueil pour les victimes
- Mettre en place des programmes d’autonomisation économique des femmes et financer proprement les projets d’entreprises dirigées par des femmes
Pour les organisations de la société civile :
- Maintenir la pression sur les décideurs
- Documenter les cas de violence
- Sensibiliser les communautés et développer des outils de travail sur le terrain adaptés à chaque population
- Offrir un soutien direct aux victimes en créant un espace sûr exempté de tout jugement mais plein de compassion d’écoute.
« C’est peut-être banal mais… » : déconstruire la banalisation
Ce qui peut sembler “banal” -une remarque sexiste, un contrôle abusif, une restriction de liberté – constitue souvent le premier maillon d’une chaîne de violence plus grave. La banalisation de ces “petites” violences quotidiennes contribue à créer un environnement propice aux formes plus extrêmes de violence. C’est banal jusqu’à ce que cela devienne fatal !
Ces 16 jours d’activisme nous rappellent que la lutte contre les VBG nécessite une prise de conscience collective : aucune forme de violence n’est acceptable, aucune n’est “banale”. Chaque geste compte, chaque voix qui s’élève fait la différence. La responsabilité du changement incombe à chacun d’entre nous.
En cette période d’activisme 2024, rappelons-nous que le changement commence par la reconnaissance que ces violences, même apparemment “banales”, sont inacceptables et doivent être combattues avec la même détermination que leurs manifestations les plus extrêmes.
Il n’y a pas d’excuse !
Pélagie Blewussi